α. Προοίμιον ἐν ὧι διώρισται τῆς πραγματείαςὁ σκοπός μετ’ εὐφημίας τῆς τε αὐτοῦ τοῦ Πλάτωνος καὶτῶν ἀπ’ αὐτοῦ διαδεξαμένων τὴν φιλοσοφίαν. | Préface dans laquelle on détermine le but du traité, accompagnée d’un éloge non seulement de Platon lui même mais aussi de ceux qui lui ont succédé dans la tradition philosophique. |
Ἅπασαν μὲν τὴν Πλάτωνος φιλοσοφίαν | D’une manière générale, la philosophie de Platon, |
ὦ φίλων ἐμοὶ φίλτατε Περίκλεις | ô Périclès, le plus cher de mes amis, |
καὶ τὴν ἀρχὴν ἐκλάμψαι νομίζω κατὰ τὴντῶν κρειττόνων ἀγαθοειδῆ βούλησιν | a fait, je le crois, sa première apparition par la grâce de la volonté pleine de bonté des dieux, |
τὸν ἐν αὐτοῖς κεκρυμμένον νοῦν καὶ τὴνἀλήθειαν τὴν ὁμοῦ τοῖς οὖσισυνυφεστῶσαν ταῖς περὶ γένεσινστρεφομέναις ψυχαῖς καθ’ ὅσον αὐταῖςθεμιτὸν τῶν οὕτως ὑπερφυῶν καὶ μεγάλωνἀγαθῶν μετέχειν ἐκφαίνουσαν | puisqu’elle a révélé l’intellect caché en eux et la vérité qui a partie liée à l’ensemble de ce qui existe aux âmes qui ont pour séjour le monde du devenir, pour autant qu’il leur est permis d’avoir part à ces biens surnaturels et immenses ; |
καὶ πάλιν ὕστερον τελειωθῆναι καὶ ὥσπερεἰς ἑαυτὴν ἀναχωρήσασαν καὶ τοῖς πολλοῖςτῶν φιλοσοφεῖν ἐπαγγελλομένων καὶ τῆςτοῦ ὄντος θήρας ἀντιλαμβάνεσθαισπευδόντων ἀφανῆ καταστᾶσαν αὖθις εἰςφῶς προελθεῖν· | elle a retrouvé plus tard une forme plus parfaite, et après une période où elle s’est comme retirée en elle-même et s’est rendue invisible à la plupart de ceux qui faisaient profession de philosopher et désiraient prendre part à la chasse à l’être, de nouveau elle a reparu à la lumière. |
διαφερόντως δὲ οἶμαι τὴν περὶ αὐτῶν τῶν θείων μυσταγωγίαν | Mais tout spécialement, je pense, l’initiation aux mystères divins eux-mêmes, |
ἐν ἁγνῶι βάθρωι καθαρῶς ἱδρυμένην καὶπαρ’ αὐτοῖς τοῖς θεοῖς διαιωνίωςὑφεστηκυῖαν | dressée dans sa pureté sur un socle sacré et installée pour l’éternité dans la résidence des dieux de là-bas |
ἐκεῖθεν τοῖς κατὰ χρόνον αὐτῆς ἀπολαῦσαιδυναμένοις ἐκφανῆναι δι’ ἑνὸς ἀνδρός | a été révélée à ceux qui dans la condition temporelle pouvaient en tirer profit, par un seul homme, |
ὃν οὐκ ἂν ἁμάρτοιμι τῶν ἀληθινῶν τελετῶνἃς τελοῦνται χωρισθεῖσαι τῶν περὶ γῆντόπων αἱ ψυχαί καὶ τῶν ὁλοκλήρων καὶἀτρεμῶν φασμάτων ὧν μεταλαμβάνουσιναἱ τῆς εὐδαίμονος καὶ μακαρίας ζωῆςγνησίως ἀντεχόμεναι προηγεμόνα καὶἱεροφάντην ἀποκαλῶν· | celui que l’on n’aurait pas tort d’appeler le guide des mystères véritables, auxquels sont initiées les âmes qui se sont détachées des régions terrestres, et le hiérophante[1]des apparitions intégrales et immobiles, auxquelles prennent part les âmes lorsqu’elles se sont attachées sérieusement à la vie heureuse et béatifiante pourtant, |
οὕτως δὲ σεμνῶς καὶ ἀπορρήτως ὑπ’ αὐτοῦτὴν πρώτην ἐκλάμψασαν οἷον ἁγίοις ἱεροῖςκαὶ τῶν ἀδύτων ἐντὸς ἱδρυνθεῖσανἀσφαλῶς καὶ τοῖς πολλοῖς τῶν εἰσιόντωνἀγνοηθεῖσαν, | cette première fois, il alluma la lumière avec un tel sens du sacré et du mystère comme au cours des saintes célébrations et la mit tellement en sécurité au plus profond du sanctuaire qu’elle demeura ignorée de la plupart de ceux qui y pénètrent, |
ἐν τακταῖς χρόνων περιόδοις ὑπὸ δή τινωνἱερέων ἀληθινῶν καὶ τὸν προσήκοντα τῆιμυσταγωγίαι βίον ἀνελομένων προελθεῖνμὲν ἐφ’ ὅσον ἦν αὐτῆι δυνατόν ἅπαντα δὲκαταλάμψαι τὸν τόπον καὶ πανταχοῦ τῶνθείων φασμάτων ἐλλάμψεις καταστήσασθαι. | puis avec le retour régulier des temps par le ministère de certains prêtres véritables qui avaient adopté le mode de vie qui convient pour accéder à ces mystères, elle fut produite au jour, pour autant que cela lui était possible, elle jeta ses feux en tous lieux et fît partout paraître les illuminations qui résultent de ses apparitions divines. |
Τούτους δὴ τοὺς τῆς Πλατωνικῆςἐποπτείας[2] ἐξηγητὰς καὶ τὰςπαναγεστάτας ἡμῖν περὶ τῶν θείωνὑφηγήσεις ἀναπλώσαντας καὶ τῶισφετέρωι καθηγεμόνι παραπλησίαν τὴνφύσιν λαχόντας εἶναι θείην ἂν ἔγωγεΠλωτῖνόν τε τὸν Αἰγύπτιον καὶ τοὺς ἀπὸτούτου παραδεξαμένους τὴν θεωρίανἈμέλιόν τε καὶ Πορφύριον καὶ τρίτουςοἶμαι τοὺς ἀπὸ τούτων ὥσπερ ἀνδριάντας ἡμῖν ἀποτελεςθέντας Ἰάμβλιχόν τε καὶΘεόδωρον καὶ εἰ δή τινες ἄλλοι μετὰτούτους ἑπόμενοι τῶι θείωι τούτωι χορῶιπερὶ τῶν τοῦ Πλάτωνος τὴν ἑαυτῶν διάνοιαν ἀνεβάκχευσαν παρ’ ὧν τὸ γνησιώτατον καὶ καθαρώτατον τῆςἀληθείας φῶς τοῖς τῆς ψυχῆς κόλποιςἀχράντως ὑποδεξάμενος ὁ μετὰ θεοὺς ἡμῖντῶν καλῶν πάντων καὶ ἀγαθῶν ἡγεμών τῆςτε ἄλλης ἁπάσης ἡμᾶς μετόχους κατέστησε τοῦ Πλάτωνος φιλοσοφίας καὶ κοινωνοὺς ὧν ἐν ἀπορρήτοις παρὰ τῶν αὐτοῦ πρεσβυτέρων μετείληφε καὶ δὴ καὶ τῆς περὶτῶν θείων μυςτικῆς ἀληθείας συγχορευτὰςἀπέφηνε. | Ces exégètes de l’époptie platonicienne qui ont déployé pour nous les très saintes explications concernant les principes divins parce qu’ils avaient reçu une nature toute pareille à celle de leur guide, je tiendrais volontiers que ce furent Plotin l’Égyptien, et ceux qui de lui ont reçu la tradition de cette doctrine, Amélius et Porphyre, et en troisième lieu, me semble-t-il, ceux qui furent leurs disciples et qui ont atteint une telle perfection que nous pouvons les comparer à des statues[3],Jamblique et Théodore d’Asiné, et les autres, quels qu’ils soient, qui à leur suite sont entrés dans ce chœur divin pour élever leur propre pensée jusqu’à l’extase dionysiaque que donnent les écrits de Platon ; c’est d’eux que celui qui, après les dieux, a été notre guide dans tout ce qu’il y a de beau et de bien, avait reçu sans mélange dans l’intime de son âme la très authentique et très pure lumière de la vérité, et c’est lui qui nous a donné d’avoir part à toute la philosophie de Platon en général, qui a fait de nous son compagnon dans les traditions qu’il avait reçues en secret des plus anciens que lui, et surtout qui nous a associé au chœur de ceux qui chantent la mystérieuse vérité des principes divins. |
Τούτωι μὲν οὖν εἰ μέλλοιμεν τὴνπροσήκουσαν χάριν ἐκτίσειν τῶν εἰς ἡμᾶςεὐεργεσιῶν οὐδ’ ἂν ὁ σύμπας ἐξαρκέσειε χρόνος. | Si donc nous devions lui [Plotin] acquitter la dette de gratitude contractée par ses bienfaits à notre égard, tout le cours du temps n’y suffirait pas même. |
Εἰ δὲ δεῖ μὴ μόνον αὐτοὺς εἰληφέναι παρ’ ἄλλων τὸ τῆς Πλατωνικῆς φιλοσοφίαςἐξαίρετον ἀγαθὸν | Cependant, il faut non seulement avoir reçu des autres le bien choisi entre tous de la philosophie de Platon, |
ἀλλὰ καὶ τοῖς ὕστερον ἐσομένοις ὑπομνήματα καταλείπειν τῶν μακαρίων θεαμάτων | mais encore laisser à ceux qui viendront après nous des mémoires de ces bienheureuses visions |
ὧν αὐτοὶ καὶ θεαταὶ γενέσθαι φαμὲν | dont nous aussi, disons-le, nous sommes devenu le spectateur |
καὶ ζηλωταὶ κατὰ δύναμιν ὑφ’ ἡγεμόνι τῶιτῶν καθ’ ἡμᾶς τελεωτάτωι καὶ εἰς ἄκρονἥκοντι φιλοσοφίας τάχ’ ἂν εἰκότως αὐτοὺςτοὺς θεοὺς παρακαλοῖμεν τὸ τῆς ἀληθείας φῶς ἀνάπτειν ἡμῶν ταῖς ψυχαῖς καὶ τοὺςτῶν κρειττόνων ὀπαδοὺς[4] καὶθεραπευτὰς κατιθύνειν τὸν ἡμέτεροννοῦν καὶ ποδηγετεῖν εἰς τὸ παντελὲς καὶθεῖον καὶ ὑψηλὸν τέλος τῆς Πλατωνικῆς θεωρίας. | et, autant qu’il est en notre pouvoir, le dévot par le ministère de ce guide, le plus parfait de nos contemporains et qui était parvenu au sommet de la philosophie, et c’est pourquoi nous aurions sans doute raison de faire une prière pour que les dieux eux-mêmes allument en nos âmes la lumière de la vérité, et que ceux qui font cortège aux dieux et ceux qui sont à leur service dirigent notre intellect et le guident vers le but parfait, divin et sublime de la doctrine de Platon. |
Πανταχοῦ μὲν γάρ οἶμαι προσήκει τὸν καὶκατὰ βραχὺ μετέχοντα σωφροσύνης ἀπὸθεῶν ποιεῖσθαι τὰς ἀρχάς οὐχ ἥκιστα δὲ ἐνταῖς περὶ τῶν θεῶν ἐξηγήσεσιν· | Dans tous les cas en effet, il convient, je pense, que celui qui possède si peu que rien de sagesse engage ses entreprises en commençant par les dieux, mais cela convient au maximum lorsqu’il s’agit d’exégèses concernant les dieux ; |
οὔτε γὰρ νοῆσαι τὸ θεῖον ἄλλως δυνατὸν ἢτῶι παρ’ αὐτῶν φωτὶ τελεσθέντας οὔτε εἰςἄλλους ἐξενεγκεῖν ἢ παρ‘ αὐτῶνκυβερνωμένους καὶ τῶν πολυειδῶνδοξασμάτων καὶ τῆς ἐν λόγοις φερομένηςποικιλίας ἐξηιρημένην φυλάττοντας τὴντῶν θείων ὀνομάτων ἀνέλιξιν. | car il n’est pas possible de rien comprendre au divin autrement qu’en recevant la lumière par la grâce des dieux, et il n’est pas possible non plus de faire connaître aux autres le divin si l’on ne se met pas sous la direction des dieux et si l’on ne maintient pas cette exposition des noms divins au-dessus de la variété des opinions et de la diversité contenue dans les mots. |
Ταῦτ’ οὖν καὶ ἡμεῖς εἰδότες καὶ τῶιΠλατωνικῶι Τιμαίωι παραινοῦντιπειθόμενοι προστησώμεθα τοὺς θεοὺς ἡγεμόνας τῆς περὶ αὐτῶν διδασκαλίας· | Ayant donc compris cela et persuadés par le conseil que nous donne Platon dans le Timée, prenons les dieux pour guides dans la doctrine qui les concerne ; |
οἱ δὲ ἀκούσαντες ἵλεώι τε καὶ εὐμενεῖςἐλθόντες | quant à eux, s’ils nous écoutent avec bienveillance[5] et s’ils se montrent propices en venant à nous, |
ἄγοιεν τὸν τῆς ψυχῆς ἡμῶν νοῦν καὶπεριάγοιεν εἰς τὴν τοῦ Πλάτωνος ἑστίανκαὶ τὸ ἄναντες τῆς θεωρίας ταύτης. | qu’ils conduisent l’intellect de notre âmeet l’accompagnent jusqu’à l’autel de Platon et jusqu’au sommet escarpé de cette doctrine. |
Οὗ δὴ γενόμενοι σύμπασαν τὴν περὶ αὐτῶνἀλήθειαν ὑποδεξόμεθα καὶ τέλος τὸἄριστον ἕξομεν τῆς ἐν ἡμῖν ὠδῖνος ἣνἔχομεν περὶ τὰ θεῖα γνῶναί τι περὶ τούτωνποθοῦντες καὶ παρ’ ἄλλων πυνθανόμενοικαὶ ἑαυτοὺς εἰς δύναμιν βασανίζοντες. | Une fois arrivés là, nous y recevrons la vérité tout entière concernant les dieux, et nous obtiendrons la meilleure délivrance de ce travail d’enfantement qui se poursuit en nous au sujet des dieux, tant nous désirons connaître quelque chose à leur sujet non seulement en apprenant des autres mais aussi en cherchant nous-mêmes de toutes nos forces. |
[1] Platon est celui qui dévoile les objets de la philosophie comme, dans les mystères, le hiérophante dévoile les objets sacrés (cf. M. P. Nilsson, Gesch. der Griech. Religion^ I, p. 661). Le même titre, en ce sens métaphorique, est appliqué par Plotin à Porphyre [V. Plot. 15.5) et par Proclus à Syrianus (In Parm. I, col. 618.8, In Rep. I, p. 71.24).
[2] contemplation (des mystères), c. à d. le plus haut degré d’initiation dans les mystères d’Éleusis
[3] Même image dans Greg. Naz., Or. theol. I 7, p. 11.10-11 Mason
[4] Ὀπηδός, compagnon, déverbal de ἕπομαι, suivre
[5] La tradition manuscrite donne ἵλεως comme nominatif pluriel de l’adjectif ἵλαος, mais il semble difflcile d’attribuer à Proclus cette forme tardive et non littéraire, on a donc adopté la correction des manuscrits secondaires, ἵλεῳ.