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Catégories – 2

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Τῶν λεγομένων τὰ μὲν κατὰ συμπλοκὴν λέγεται, τὰ δὲ ἄνευ συμπλοκῆς. Les choses qu’on dit, tantôt se disent selon une connexion, tantôt sans connexion[1].
Τὰ μὲν οὖν κατὰ συμπλοκήν, οἷον ἄνθρωπος τρέχει, ἄνθρωπος νικᾷ· Se disent donc selon une connexion, par exemple : l’homme court, l’homme vainc. 
τὰ δὲ ἄνευ συμπλοκῆς, οἷον ἄνθρωπος, βοῦς, τρέχει, νικᾷ. Et sans connexion, par exemple : homme, bœuf, court, vainc[2].
§ 2. Τῶν ὄντων τὰ μὲν καθ´ ὑποκειμένου τινὸς λέγεται, ἐν ὑποκειμένῳ δὲ οὐδενί ἐστιν, D’entre les êtres, les uns se disent d’un certain sujet, mais ne sont inhérents à aucun sujet.[3]
οἷον ἄνθρωπος καθ´ ὑποκειμένου μὲν λέγεται τοῦ τινὸς ἀνθρώπου, ἐν ὑποκειμένῳ δὲ οὐδενί ἐστιν· Ainsi, l’homme se dit bien d’un sujet, un certain homme, mais il n’est inhérent à aucun sujet[4].
τὰ δὲ ἐν ὑποκειμένῳ μέν ἐστι, καθ’ ὑποκειμένου δὲ οὐδενὸς λέγεται, —ἐν ὑποκειμένῳ δὲ λέγω ὃ ἔν τινι μὴ ὡς μέρος ὑπάρχον ἀδύνατον χωρὶς εἶναι τοῦ ἐν ᾧ ἐστίν, — οἷον ἡ τὶς γραμματικὴ ἐν ὑποκειμένῳ μέν ἐστι τῇ ψυχῇ, καθ’ ὑποκειμένου δὲ οὐδενὸς λέγεται, καὶ τὸ τὶ λευκὸν ἐν ὑποκειμένῳ μέν ἐστι τῷ σώματι, — ἅπαν γὰρ χρῶμα ἐν σώματι, — καθ’ ὑποκειμένου δὲ οὐδενὸς λέγεται· D’autres en revanche sont inhérents à un sujet, mais ne se disent d’aucun sujet (par « inhérent à un sujet », je veux dire ce qui, sans se trouver en quelque chose à titre de partie, ne peut exister à part de la chose où il est[5]) : ainsi, une certaine science des lettres est bien inhérente à un sujet, l’âme, mais elle ne se dit d’aucun sujet ; et une certaine blancheur est bien inhérente à un sujet, le corps, puisque toute couleur est inhérente au corps, mais elle ne se dit d’aucun sujet[6].
τὰ δὲ καθ’ ὑποκειμένου τε <2a> λέγεται καὶ ἐν ὑποκειμένῳ ἐστίν,D’autres à la fois se disent d’un sujet et sont inhérents à un sujet. 
οἷον ἡ ἐπιστήμη ἐν ὑποκειμένῳ μέν ἐστι τῇ ψυχῇ, καθ’ ὑποκειμένου δὲ λέγεται τῆς γραμματικῆς· Ainsi, la science est inhérente à un sujet, l’âme, et elle se dit d’un sujet, l’art de l’écriture[7].
τὰ δὲ οὔτε ἐν ὑποκειμένῳ ἐστὶν οὔτε καθ’ ὑποκειμένου λέγεται, D’autres, enfin, ne sont ni inhérents à un sujet, ni dits d’un sujet. 
οἷον ὁ τὶς ἄνθρωπος ἢ ὁ τὶς ἵππος, Ainsi, un certain homme ou un certain cheval. 
— οὐδὲν γὰρ τῶν τοιούτων οὔτε ἐν ὑποκειμένῳ ἐστὶν οὔτε καθ´ ὑποκειμένου λέγεται· — Aucun des êtres de ce genre, en effet, n’est inhérent à un sujet, ni ne se dit d’un sujet[8].
ἁπλῶς δὲ τὰ ἄτομα καὶ ἓν ἀριθμῷ κατ´ οὐδενὸς ὑποκειμένου λέγεται, ἐν ὑποκειμένῳ δὲ ἔνια οὐδὲν κωλύει εἶναι· Dans l’absolu d’ailleurs, les choses atomiques et numériquement unes ne se disent d’aucun sujet[9], mais rien n’empêche quelques-unes d’être inhérents à un sujet. 
ἡ γὰρ τὶς γραμματικὴ τῶν ἐν ὑποκειμένῳ ἐστίν.l’art de l’écriture, en effet, compte parmi les réalités inhérentes à un sujet[10].

Notes:

[1] D’après Simplicius (p. 21, 22-24 ; 26, 18-19 et 30, 3-5 : cf. Dexippe, p. 21, 18-19), Andronicos de Rhodes utilisait cette proposition au début de sa paraphrase de Catégories, puis ajoutait : καὶ τῶν μὲν ἄνευ συμπλοκῆς ὁνώμα μὲν λέγεται κ.τ.λ. C’était peut-être une façon d’indiquer d’emblée que l’ensemble du traité qu’il commentait portait sur les « catégories », celles-ci étant données plus loin (1 b 25) comme faisant partie des τῶν κατὰμηδεμίαν συμπλοκὴν λεγομένων. Peut-être aussi voulait-il donner à comprendre que la distinction des équivoques (etc.) était une distinction plutôt linguistique (celle de τῶν λεγομένων) qu’ontologique (celle de τῶν ὄντων : cf. 1 a 20). Mais que sont les λεγόμενα ? Les choses expnmées (signifiées) par le discours ou les expressions (signifiantes) du discours ? Longuement débattue dans l’Antiquité, cette question a été tranchée le plus souvent selon l’autorité d’Alexandre d’Aphrodise (arguments chez Simplicius, p. 10, 8-19; 41, 21-28), en faveur de la seconde hypothèse, étant entendu que les expressions du discours sont considérées en fonction de leur propriété à signifier les modes de l’être. Mais la première hypo- thèse est plus vraisemblable. Une chose dite (λεγόμενον) n’est pas, en effet, l’expression d’une chose (cf. λέξις : 6 b 33). Et si l’on a le sentiment qu’il est ici question du discours signifiant, plutôt que de la réalité signifiée, c’est principalement en raison du fait que la « connexion » paraît une liaison établie dans et par le discours. Platon (Sophiσte, 262 C) est, semble-t-il, le premier à avoir employé συμπλολή en ce sens, en concurrence avec cruv8Ecrtç (263 D). Mais une connexion peut aussi (d’abord ?) exister dans la réalité elle-même, entre les parties qui la composent. Quand Aristote envisage, par exemple, la définition que l’on peut donner de quelque chose parmi « les connectés » (Top., VI, 11, 148 b 23 : τῶν συμπεπλεγμένων), c’est bien ce genre de connexion qu’il a en vue : la liaison qui unit entre elles des choses simples et constitue les choses composées. Du reste, le discours décla- ratif, pour sa part, ne peut être vrai (cf. 2 a 6-8) qu’à la condition de cor- respondre aux connexions qui existent dans le réel. Car celles-ci peu- vent être évidemment exprimées dans le discours. Et dans notre passage, c’est visiblement pareille éventualité qui est envisagée. Les choses, lorsqu’elles sont expnmées, peuvent l’être de deux façons : soit avec les connexions qu’elles présentent dans la réalité, soit abstraction faite de ces connexions. La remarque ne vise donc pas, semble-t-il, à distinguer deux formes de discours (la proposition déclarative et le mot signifiant), mais plutôt à distinguer, en fonction du discours, deux aspects du réel (le complexe et le simple). Indirectement, toutefois, et de manière implicite, c’est une propriété du discours que pareille obser- vation fait ressortir : la propnété qu’ont certaines unités signifiantes qui composent tout discours d’analyser la complexité du réel et donner à voir les entités simples dont il est constitué.
[2] Si l’on considère que ces exemples illustrent une distinction entre deux modes d’expressions linguistiques, l’expression qui associe deux ou plusieurs mots et l’expression qui, formellement, ne comporte aucune association, le moins que l’on puisse dire est qu’ils prêtent à controverse. Ces exemples, en effet, se limitent à associer (ou à poser séparément) des noms et des verbes. Mais le langage associe aussi un nom et un adjectif (« l’homme blanc »), il forme des noms composés (ce sont les πεπλεγμένα de De l’interprétation, 2, 16 a 23-24), il asso- cie une préposition et son régime pour indiquer une localisation (ἐν ἀγορᾷ, 2 a 1-2), etc. Or dans aucun de ces cas, nous n’avons affaire à un discours, vrai ou faux, comme l’est la proposition formée d’un nom et d’un verbe (cf. plus loin : 2 a 4-7). La difficulté tombe en partie si l’on considère que ces exemples illustrent une distinction entre deux aspects du réel en fonction du discours, le réel dans sa complexité d’une part, le réel dans sa simplicité d’autre part. L’homme blanc et tous les composés qu’exprime un discours sans verbe sont sur le même pied de complexité que la réalité de l’homme dont on dit qu’il court ; et la localisation qu’exprime la locution « sur le marché » est une réalité aussi simple que le moment qu’exprime !’adverbe « hier » (cf. 2 a 2).
[3] Pour distinguer ici quatre classes d’êtres, deux critères sont uti- lisés. Ils sont formellement opposés dans Top., IV, 6, 127 b 1-4. Le second (« être inhérent à un sujet »), qui est la marque des êtres non substantiels, est défini plus loin, en 1 a 24-25 (voir la note 13). Le premier (« se dire d’un sujet »), qui est la marque des êtres non indivi- duels (l’espèce et le genre), ne l’est pas, comme s’il allait de soi. De fait, il est systématiquement utilisé ailleurs par Aristote pour distinguer l’universel (espèce et genre) du particulier sensible. Aristote enseigne en effet (An. Pr., I, 27, 43 a 25-43) l) que le particulier (Socrate) n’est imputable à rien d’autre et que ce sont au contraire les autres choses (son espèce et son genre) qui lui sont imputables ; 2) que l’espèce (l’homme) est imputable à quelque chose (le particulier) et qu’autre chose (son genre) lui est imputable aussi ; enfin 3) que le genre (ani- mal) est imputable à d’autres choses (ses espèces et les individus de ces espèces) et que rien ne lui est, à lui, imputable. « Se dire d’un sujet » est donc là, comme ici, indicateur de l’universel et « ne pas se dire d’un sujet » révélateur du particulier ou, si l’on veut, de l’indivi- duel. Comment alors la Mét., L’i 8 peut-elle utiliser ce même critère – ne pas se dire d’un sujet – pour soutenir apparemment qu’il est révé- lateur de la substance : « toutes ces choses [les corps et les animaux qui en sont composés] sont appelées substances, parce qu’elles ne sont dites d’aucun sujet et que tout le reste est dit d’elles » (1017 b 13-14 ; cf. 23-24). L’affirmation paraît doublement étrange, car d’une part, le critère invoqué est celui qui, dans Cet An. Pr., révèle le particulier et, d’autre part, ce qui, d’après les mêmes textes, révèle la substance, c’est le fait de n’être inhérente à aucun sujet ! L’explication de ce paradoxe est la suivante. D’abord, le propos de Mét., Δ 8, contrairement au pro- pos de notre passage, n’est pas de distinguer la substance du non-sub-stantiel. Comme les autres chapitres de Δ, qui exposent des πολλαχῶς λεγόμενα, il s’agit au contraire d’inventorier les différentes choses qu’on appelle substances. Par conséquent, l’auteur n’a aucune raison d’invoquer ici le cntère révélateur de ce qui est substantiel par opposi- tion à ce qui ne l’est pas. Celui-ci (« n’être pas inhérent à un sujet ») ne permet en effet d’opérer aucune distinction à l’intérieur de ce qui est substantiel. Il est donc naturellement absent de Δ 8 où l’auteur recense, par définition, tout ce qui est implicitement reconnu comme n’étant inhérent à aucun sujet. Pour établir en revanche quelque dis- tinction à l’intérieur de ce qu’on appelle substance, le critère qui dis- tingue l’individuel de l’universel, savoir «ne se dire d’aucun sujet», devient un critère de première utilité. C’est pourquoi il est d’emblée mis de l’avant pour identifier un premier type de substance dans les corps sensibles et les animaux qui en sont composés. Bref – et il importe de le souligner – le passage de Δ 8 est parfaitement fidèle aux données qu’exposent notre texte et celui des An Pr. dont il a été question plus haut. Ce qu’il évoque en premier lieu, ce sont les substances que (‘appellera plus loin (1 b 25) les substances premières.
[4] Est ainsi considérée, d’abord, la classe des universels et, dans celle-ci, sont mis à part, du fait qu’ils ne sont inhérents à aucun sujet, les êtres substantiels, dont l’exemple (l’homme) est une proxima species. Celle-ci, à proprement parler, se dit, non simplement d’un sujet (καθ’ ὑποκειμένου : 1 a 21), mais d’un certain sujet (ὑποκειμένου τινός: 1 a 20), soit d’un sujet individuel. Le genre, en revanche, ne se dit proprement que de l’espèce comme d’un sujet (καθ’ ὑποκειμένου γὰρ τοῦ εἴδους μόνον τὸ γένος λέγεται : Top., IV, 6, 127 b 3-4).
[5] Cette précision qui a, de tout temps, suscité beaucoup de com- mentaires, est visiblement destinée à lever l’ambiguïté de la simple notion d’ « être en quelque chose » (ἔν τινι). Les Anciens ont réperto- né, chez Aristote, de multiples manières d’entendre le fait d’être en quelque chose. On dit, par exemple, que la partie est dans le tout et le tout dans ses parties ; l’espèce est dans un genre et le genre dans ses espèces ; les objets sont dans un lieu, des événements dans le temps, un contenu dans un contenant, etc. Deux précisions, l’une et l’autre négatives, sont censées lever l’ambiguïté : 1) la chose inhérente n’est pas une partie de ce à quoi elle est inhérente et 2) elle ne peut exister à part de ce à quoi elle est inhérente. La première précision est malheu- reusement vague, en raison même du fait que « partie » (μέρος) peut s’entendre de plusieurs façons (cf. Mét., Δ 25 et 26, à propos du tout). La partie peut même désigner un élément de la « chose » (πρᾶγμα) ou un élément de sa « formule » (λόγος), ce qui est très différent (cf. Mét, Z 10, 1034 b 21). Mais l’inconvénient paraît mineur, car la pre- mière précision n’intervient que pour comger ce que la seconde laisse encore d’indéterminé. Cette seconde précision, tout à fait décisive, met de l’avant un trait que d’autres textes d’Aristote assignent nettement à la substance pour l’opposer à tout ce qui n’est pas substantiel : le fait d’exister « à part », c’est-à-dire de manière indépendante (χωρὶς εἶναι) : cf. Mét, Δ 8, 1017 b 25 (χωριςτὸν); Z 1, 1028 a 22-24 (οὐδὲν γὰρ αὐτῶν ἐστιν οὔτε καθ’ αὑτὸ [πεφυκὸς] οὔτε χωρίζεσθαι δυνατὸν τῆς οὐσίας) ; Phys., I, 2, 185 a 31 (οὐθὲνγὰρ τῶν ἄλλων χωριστόν ἐστι παρὰ τὴν οὐσίαν). Fondamentalement donc, être inhérent à un sujet, c’est ne pouvoir exister indépendamment de 1ui. Mais cette détermination, qui caractérise toutes les choses non sub- stantielles, est aussi, d’une certaine façon, la caractéristique des parties de la substance par rapport au tout qu’elles constituent, puisque la partie est dans le tout (cf. Gén. des an. I, 20, 728 b 18-19 : ἐν τῷ σώματι μέρη) et ne peut exister sans le tout, sinon de manière équivoque (cf. Pol., 1, 2, 1253 a 20-22 : ἀναιρουμένου γὰρ τοῦ ὅλου οὐκ ἔσται ποὺς οὐδὲ χείρ, εἰ μὴ ὁμωνύμως). Or Aristote stipule clairement que les parties du corps et des animaux sont dites des substances (cf. Mét., Δ 8, 1017 b 12; Z 2, 1028 b 9; H 1, 1042 a 10 τὰ μόρια τῶν ζῷων).  Il faut donc une précision supplémentaire, qui écarte d’emblée la possibilité d’inclure les parties de la substance dans le non-substantiel et c’est pourquoi il a été précisé d’abord qu’être inhérent à un sujet ne veut pas dire s’y trouver à titre de partie. En soi, on l’a vu, cette pré- cision est vague, mais elle n’a de portée qu’une fois entendue en relation avec la seconde précision. D’autres passages, plus loin, s’appuient sur notre passage (3 a 29-32; 8 a 16-18 et 15 b 23).
[6] Dans la classe des êtres non substantiels, sont ici distinguées, parce qu’elles ne se disent d’aucun sujet, les singularités illustrées par deux qualités, l’une psychique, l’autre corporelle. Ce sont les exemples de Top., IV, 5, 126 a 4-5 (ἐν ᾧ τὸ λευκόν, καὶ τὸ χρῶμα, καὶ ἐν ᾧ γραμματική, καὶ ἐπιστήμη, passage qui situe dans leurs genres respectifs les espèces, dont ici sont considérées les singularités). On remarquera, d’autre part, que l’âme et le corps sont également traités ici comme sujets d’inhérence, donc, semble-t-il, comme sub- stances capables d’exister de façon indépendante. Une interprétation abusive serait évidemment d’t’n conclure que notre passage envisage l’existence de l’âme séparée du corps. La séparation de l’âme par rap- port au corps n’est pas ici en cause, mais son indépendance par rap- port aux déterminations qualitatives qu’elle peut avoir, autrement dit, le fait qu’elle peut être sans être savante, comme le corps peut être sans être blanc. Que par ailleurs, elle ne soit pas substance au même titre que le corps (mais fonne du composé substantiel, alors que le corps en est la matière : cf. De l’âme, II, 1, 412 a 7-9), cela ne l’empêche pas d’être sujet substantiel à l’égard, par exemple, de cer- taines qualités, exactement comme le corps est sujet substantiel à l’égard d’autres qualités. – Celles-ci et toutes les réalités non substantielles sont considérées dans notre passage comme autant de parti- cularités individuelles. Les commentateurs se demandent volontiers à quoi peut tenir semblable particularité. Est-ce au fait d’appartenir au sujet (la substance individuelle) où elle se trouve et à lui seul ? Ou à quelque singularité au sein de l’espèce correspondante, sans rapport avec la singularité du sujet où elle se trouve ? Dans le cas des quali- tés, qui pour la plupart admettent des degrés (cf. 10 b 26-30) et ont un contraire (10 b 12-15), la seconde hypothèse est envisageable, parce que telle substance individuelle peut devenir plus ou moins blanche en restant la même (deviendrait-elle noire : cf. 4 a 10-b 19). Les particu- larités (variables à l’infini) du blanc dans un sujet identique pourraient donc tenir à des déterminations au sein de l’espèce « blanc ». Mais l’hypothèse peut-elle être étendue à d’autres réalités non substan- tielles ? À une quantité déterminée, par exemple ? Une longueur de trois coudées, qui n’admet pas de degrés (cf. 6 a 20), ne peut, semble- t-il, être singulière qu’en vertu du sujet qu’elle mesure, tel membre ou tel autre de même dimension. De même, un relatif, tel que demi. Certes, telle moitié (de dix, par exemple) peut être accidentellement différente (par exemple, plus grande) que telle autre moitié (par exemple, de six). Mais en soi, un demi particulier ne semble se distin- guer d’un autre demi qu’en raison du sujet auquel il est inhérent. L’esclave, en revanche, qui est aussi un relatif (cf. 6 b 29), paraît pou- voir, en tant qu’esclave, être plus ou moins docile, zélé, etc. Il res- semblerait alors plutôt au blanc. Il apparaît donc difficile d’apporter universellement la même réponse à la question de savoir ce qui singu- larise les réalités individuelles lorsqu’elles ne sont pas substantielles. Mais, dans tous les cas, elles sont évidemment particularisées par le sujet auquel elles sont inhérentes. – On relèvera peut-être, par ailleurs, un détail : l’auteur écrit qu’une certaine science est inhérente à un sujet, l’âme, non qu’elle est inhérente à un certain sujet, une cer- taine âme ; et qu’une certaine blancheur est inhérente à un sujet, le corps, non qu’elle est inhérente à un certain sujet, un certain corps. Ce détail est-il significatif ? Probablement pas ; il va de soi qu’une particularité qualitative suppose un sujet individuel ; c’est d’ailleurs la condition sans laquelle ni elle-même (telle blancheur), ni son espèce (la blancheur), ni son genre (la couleur) ne pourraient être dits inhérents au corps en général (cf. plus loin, 2 b 1-3). De son côté, la parenthèse ἅπαν γὰρ χρῶμα ἐν σώματι paraît superflue, car il ne semble pas nécessaire d’en appeler à l’universalité du genre (la cou- leur) pour comprendre que la particularité individuelle (telle blan- cheur) est quelque chose d’inhérent à un sujet (le corps) ; mais l’auteur vise peut-être à préciser que la blancheur particulière dont il est ici question est précisément la couleur ; car la blancheur, comme l’expliquent les Topiqun, est équivoque : c’est non seulement la cou- leur, qualité visuelle liée au corps, mais la qualité sonore, liée à la voix (τὸ μὲν γὰρ ἔσται σῶμα τοιόνδε χρῶμα ἔχον, τὸ δὲφωνὴ εὐήκοος : 1, 15, 107 b 1-2).
[7] Cette classe, qu’illustre l’exemple d’un genre (la science : cf. 11 a 25), réunit les êtres non individuels de nature non substantielle. On notera au passage l’ambiguïté de la notion de « sujet » (ὑποκείμενον). En effet, les êtres ici en question impliquent un double sujet : celui dont ils sont dits et celui auquel ils sont inhérents. Or le premier de ces sujets est évidemment non substantiel, tandis que le second est, lui, d’ordre substantiel. En outre, le premier sujet peut être ou bien l’espèce, ou bien l’un des cas individuels qui correspondent à celle-ci, mais pas, indifféremment, n’importe quel sujet de prédication. De son côté, l’être substantiel, invoqué ici comme sujet d’inhérence, peut être sujet d’une prédication accidentelle, mais cela n’est jamais considéré par !’auteur de notre traité. Les sujets ultimes dont se disent les êtres de la présente classe sont les êtres réunis dans la classe précédente, de même que les sujets ultimes dont se disent les êtres de la première classe correspondent aux êtres de la quatrième classe. Ce sont ces derniers uniquement que visent, par exemple, Mét., Δ 8, 1017 b 23-24 ou Z 3, 1028 b 36-37. Ils sont encore les sujets auxquels sont inhérents les êtres de la deuxième classe, eux-mêmes sujets ultimes dont se disent ceux de la troisième, ici présentés (cf. plus loin, 2 a 34 et sqq.)
[8] La quatrième classe réunit les êtres substantiels individuels, reconnus explicitement comme substances premières à partir de 2 a 5. Ces êtres ont la particularité de pouvoir être désignés par des noms propres (Socrate ou Bucéphale), quand ils sont par exemple des humains ou des animaux familiers. L’auteur de ne signale jamais cette particularité, comme si Socrate, par exemple, était, pour lui, une réalité complexe, composée de substance (un certain homme) ou de réalités non substantielles (une certaine blancheur, une certaine science des lettres, etc.). Mais la raison de ce silence est probablement qu’il n’y a pas vraiment de noms propres à l’individu, même substantiel (cf. Mét., Z, 10, 1035 b 2-3 : μὴ εἶναι ἴδιον ὄνομα τοῖς καθ’ ἕκαστον. 
[9] C’est aux êtres de la deuxième et de la quatrième classes que s’applique ici la notion d’ « individus » (ἄτομα). Ils sont. à ce titre, le terme ultime (indivisible) de divisions opérées à partir d’une espèce (cf. Top., II, 2, 109 b 21 et passim). Celle-ci, comme le genre, consti- tue aussi une unité (cf. Mét., L’i 6, 1016 a 26 ; b 31-32) et les diffé- rences spécifiques permettent de dénombrer les espèces comme les individus. Mais l’espèce se subdivise encore, alors que le « numéri- quement un » ne se divise plus de la même manière ; c’est-à-dire qu’à la différence de l’universel, il ne s’applique plus à une multiplicité. Il équivaut donc au particulier (cf. Mét., B 4, 999 b 33-34 : τὸ γὰρ ἀριθμῷ ἒν ἢ τὸ καθ’ ἕκαστον λέγειν διαφέρει δ’οὐδεν). Cela n’empêche pas, notons-le, l’individu, s’il est un composé (σύνθετον), de pouvoir s’analyser en ses composants (ainsi le composé substantiel, en matière et forme ; cf. De l’âme, II, 1, 412 a 16 : σῶμα… μετέχον ζωῆς… οὐσία… ὡς συνθέτη) ; mais la décomposition du composé n’est pas la division dont il est question ici.
[10] L’attention est attirée ici sur les êtres de la deuxième classe. De ces individus non substantiels, pourtant, il ne sera plus question dans la suite deC, où il ne sera traité que de leurs espèces ou de leurs genres, répartis selon les « catégories »

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